CSDHI – Vingt deux mois après leur arrestation par les pasdarans, les huit écologistes ont été accusés, une nouvelle fois, pour « coopération avec les États américains et israéliens, ennemis de la République islamique d’Iran à des fins d’espionnage pour la CIA et le Mossad », a appris le Centre pour les droits de l’homme en Iran.
L’inculpation, soumise à l’article 508 du code pénal islamique, a été annoncée à l’issue du procès préliminaire à huis clos au sein du système révolutionnaire secret iranien, qui a débuté en février 2019.
Selon l’article 508, « Quiconque coopère de quelque manière que ce soit avec des États étrangers contre la République islamique d’Iran, s’il n’est pas considéré comme mohareb (une guerre contre Dieu) devra être condamné à une peine d’emprisonnement de 1 à 10 ans. »
Deux des détenus, Niloufar Bayani et Morad Tahbaz, font face à des accusations supplémentaires, « avoir gagné un revenu par des moyens illégitimes », selon un activiste des droits humains au courant de l’affaire qui aurait parlé au CDHI, sous couvert d’anonymat, le 6 novembre 2019.
Au cours des 22 derniers mois, Bayani et Tahbaz, ainsi que leurs collègues Taher Ghadirian, Houman Jowkar, Sepideh Kashani, Amir Hossein Khaleghi, Sam Rajabi et Abdolreza Kouhpayeh, ont été détenus sans aucune procédure.
Ils ont été arrêtés en janvier 2018 par l’organisation du renseignement des pasdarans (IRGC) et parmi eux, le directeur général de l’organisation à but non lucratif à laquelle ils étaient affiliés, la Fondation du patrimoine de la faune sauvage de Persian (PWHF), Kavous Seyed-Emami.
Seyed-Emami est mort dans des circonstances mystérieuses alors qu’il était interrogé à la prison d’Evine. Les autorités iraniennes ont affirmé qu’il s’était suicidé, mais sa famille a été contrainte de l’enterrer rapidement sans pouvoir procéder à une autopsie indépendante.
Seyed-Emami, son épouse et ses deux fils sont tous citoyens canadiens. Ses fils, Ramin et Mehran, ont quitté l’Iran en mars 2018 pour le Canada. Mais sa veuve, Maryam Mombeini, n’a pas eu le droit de quitter l’Iran pour rejoindre ses fils à Vancouver, en Colombie-Britannique, jusqu’en octobre 2019.
Trois organismes publics importants, dont le ministère du Renseignement, ont déclaré que les détenus encore en vie n’étaient pas des espions.
Outre le Ministère du renseignement et le Département de l’environnement, le Conseil suprême de la sécurité nationale, le plus haut organe du pays, a également réfuté l’allégation des pasdarans selon laquelle les écologistes espionnaient.
« Le salaire de Niloufar Bayani pendant ses six années au Programme des Nations Unies pour l’environnement à Genève a été considéré comme un « revenu illégitime », a déclaré la source au CDHI. « La même accusation a été portée contre Morad Tahbaz pour tous les dons et l’appui public qu’il avait collectés au fil des années pour la Persian Heritage Wildlife Foundation et déposés sur le compte de l’organisation en toute transparence. »
La PWFH était enregistrée et a opéré légalement en Iran pendant des années avant d’être prise pour cible par les pasdarans.
« Il est tragique que le système judiciaire poursuive une personne qui a travaillé pour les Nations Unies parce qu’il y a actuellement des dizaines d’Iraniens qui travaillent comme employés et experts dans les bureaux des Nations Unies en Iran », a ajouté la source. « La personne qui a accusé Niloufar est soit ignorante… soit veut intimider les Iraniens qui travaillent pour l’ONU. De toute façon, cela va nuire aux Iraniens parce que les programmes de l’ONU visent à servir la population.»
À la mi-octobre 2019, les accusations de « corruption sur la terre » pouvant entraîner la peine de mort en vertu du droit iranien ont été abandonnées contre quatre des défenseurs de la nature arrêtés à la suite des pressions exercées sur le procureur et le juge présidant, par le Guide suprême iranien, Ali Khamenei.
« Après les efforts considérables des avocats et des familles des environnementalistes emprisonnés, le Guide suprême a ordonné aux autorités de prêter attention à l’avis expert du ministère du renseignement sur cette affaire et, pour cette raison, leur procès a été suspendu », a déclaré une source, connaissant ces cas avec détails, au CDHI le 13 octobre.
En janvier 2019, une source ayant une connaissance approfondie de ces affaires avait déclaré au CDHI que certains des défenseurs de l’environnement « avaient été condamnés à l’isolement cellulaire et soumis à des tortures psychologiques, menacés de mort, menacé d’injection de drogues hallucinogènes, menacé d’arrestation et de mort des membres de leur famille. »
« Certains détenus ont également été battus physiquement… tous pour les forcer à faire de faux aveux contre eux-mêmes », a ajouté la source qui a requis l’anonymat par peur des représailles des forces de sécurité iraniennes.
L’ONU a qualifié les accusations contre les défenseurs de l’environnement de « difficiles à comprendre » et a appelé l’Iran à leur garantir des procès équitables. « Nulle part dans le monde, y compris l’Iran, la préservation de l’environnement ne doit être assimilée à de l’espionnage ou considérée comme un crime », ont déclaré des experts des droits humains des Nations Unies en février 2018. « La détention de défenseurs des droits humains pour leur travail est de nature arbitraire.
Leur emprisonnement sans application régulière de la loi a été largement condamné par d’éminents écologistes internationaux, dont la primatologue de renom Jane Goodall, qui a publié un message vidéo en octobre 2019 appelant les dirigeants iraniens à « la miséricorde » envers les détenus.
Source : Le Centre pour les droits de l’homme en Iran