CSDHI – Le dernier voyage de la résistante iranienne Saba* Haft-Baradaran.
Depuis le 8 avril 2011, jour où j’ai accompagné ma fille Saba dans son voyage sans retour, le printemps revêt à mes yeux une couleur différente. Ce jour-là, quand je me suis précipité à son secours, à 9 heures du matin, je l’ai trouvée couchée calme et patiente dans une ambulance irakienne. Au fond de moi, j’étais très tendu.
– « Saba, qu’est-ce qui s’est passé ? »
– « Rien papa, juste une balle dans la jambe. »
C’était elle qui me rassurait. Ce jour-là, je ne savais rien du voyage que nous commencions ni de ce qui nous attendait. Je ne savais pas non plus qu’avant mon arrivée, elle avait déjà frôlé la mort, en murmurant dans un dernier souffle « nous tiendrons jusqu’au bout », un message devenu depuis une source d’inspiration pour des millions de personnes dans le monde.
Grâce au sacrifice de nombreux camarades de Saba et d’autres habitants d’Achraf qui lui ont donné du sang sur place, les médecins irakiens ont pu prolonger sa vie de quelques heures.
Depuis, je ne vois plus la couleur du printemps comme avant. Il est vert, mais d’une nature mystique. À ce jour, quatre ans après, les derniers mots de Saba résonnent bien plus profondément en moi.
Aujourd’hui, je me souviens aussi du message de quatre héros exécutés de l’OMPI, dont Nasser Sadegh, qui avait dit : «Nous voyons la proue de la victoire dans le vaste océan des nations ».
Les paroles de Saba pèsent lourdement sur mon âme. Je me demande comment je n’ai pas saisi ce jour-là, en dépit de toute sa souffrance, qu’elle n’a jamais dit «je», mais «nous» ? « Nous tiendrons bon … Nous résistons … » Ces mots ne sont pas seulement un serment renouvelé à l’Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran, il s’agit en fait de la vision d’un avenir lointain.
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« NOUS TIENDRONS JUSQU’AU BOUT »
La résistante iranienne Saba Haftbarandaran
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Ce jour-là, nous, l’OMPI, nous étions sous le coup d’une attaque au camp d’Achraf, situé au nord de Bagdad, cernés par une mer de complots du régime iranien et de ses partisans occidentaux de la complaisance. Par exemple, il y avait un barrage de d’ultimatums posés par l’ancien Premier ministre irakien Nouri Al-Maliki – sur les ordres de son parrain de Téhéran, Khamenei – et des dispositions avaient été prises pour anéantir Achraf une fois pour toutes. Cependant, c’est un miracle si aujourd’hui, quatre ans plus tard, nous « tenons bon » encore et nous voyons non seulement la «proue » mais la victoire toute entière dans l’océan de notre nation et des nations de la région. Les peuples à travers le Moyen-Orient se dressent désormais contre les mollahs d’Iran comme jamais auparavant.
Aujourd’hui, je sens parfaitement la présence de tous nos martyrs, des fondateurs de l’OMPI exécutés il y a plus de 40 ans, des femmes courageuses qui ont tout sacrifié pour lutter contre les mollahs misogynes à Téhéran.
Et à chaque fois, submergé par cette ferveur, je me demande si ce n’est pas là justement le sens profond de cette phrase disant que nos martyrs « sont vivants aux côtés Dieu Tout-Puissant ».
Le leadership de l’OMPI, se fondant sur la promesse « d’honnêteté et de sacrifice », a montré le chemin et guidé une génération résiliente en Iran luttant contre la tyrannie, une génération qui constitue un modèle non seulement pour ses compatriotes, mais pour toutes les nations du Moyen-Orient.
C’est à cause de ce sentiment que le 8 avril 2011, le printemps a pris une couleur différente pour moi. Persévérer, rester debout la tête haute et briser les chaînes d’innombrables complots ! Qu’il y a-t-il de plus précieux ?
Dans ce dernier voyage vers Bagdad avec Saba, ma fille blessée, un agent irakien affilié au régime iranien a essayé d’exploiter mes sentiments paternels : Quitte l’OMPI avec Saba, tu pourras la sauver et la faire opérer d’urgence …
Mais, c’est Saba qui a répondu à cet homme : « Qu’est-ce qu’il a dit » m’a-t-elle demandé. Alors je lui ai dit la vérité, délibérément, car à ce moment-là le « père » et la « fille » devaient prendre une décision. A ma grande surprise, Saba dit : « Papa, pourquoi tu ne lui as pas foutu une gifle ? »
J’ai pris une profonde inspiration et je l’ai fixée avec fierté, elle qui avait consacré sa vie à la liberté de son pays. J’ai lu tout au fond de ses yeux, si sages, qu’elle voyait quelque chose à l’horizon, sinon elle n’aurait pas été capable de donner sa vie si « facilement ».
Au cours des quatre années écoulées depuis, j’ai vu que cette « facilité » est vraiment un don que Dieu nous a accordé à nous, combattants de la liberté iraniens dans l’OMPI. Maintenant, cela fait trois ans que nous avons été transférés au camp Liberty, une ancienne base militaire américaine déserte près de l’aéroport international de Bagdad. Malgré toutes les bombes, les missiles et les conspirations qui nous ont ciblés, notre vision reste concentrée sur la proue de la victoire, et le sacrifice que nous faisons chaque jour est la source de notre énergie. Nous avons appris cela de nos prédécesseurs et des pères fondateurs de l’OMPI, car nous avons « tenu bon », et « nous tiendrons jusqu’au bout ».
Il y a près de deux ans, le 1er septembre 2013, 52 autres membres de l’OMPI se sont fait tuer en résistant de toutes leurs forces contre les soldats irakiens à la solde du régime iranien. Ils ont à nouveau montré comment nous résistons jusqu’au bout pour nos principes afin d’apporter la liberté et la démocratie à notre nation, l’Iran.
Aujourd’hui, je ne vois pas seulement Saba, mais chacun des 120 000 martyrs de l’OMPI tombés dans la longue lutte de 36 années contre les mollahs, tous très « vivants » et nous servant de source d’inspiration pour « résister jusqu’au bout » et poursuivre cette lutte glorieuse pour le plus précieux de tous les droits donnés par Dieu à l’humanité : la liberté.
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* Saba est le nom d’un vent chaud et doux du Moyen-Orient, c’est aussi un prénom féminin
Saba Haft-Baradaran, 29 ans, est morte des suites de ses blessures. Touchée à l’artère fémorale à la cuisse par un snipper irakien, elle s’est vidée de son sang pendant son transport et dans l’enceinte même de l’hôpital. Les soldats irakiens qui l’escortaient avec son père jusqu’au centre hospitalier ont fait trainer des heures un trajet d’une centaine de kilomètres. A l’hôpital, c’est le père qui a dû implorer tous ceux qu’il voyait de bien vouloir faire un don de sang à sa fille. C’est ainsi que Saba s’est éteinte, livide.