La Tribune de Genève – ONU La tournure des débats va donner le ton de ce que seront les relations multilatérales durant le mandat de Donald Trump.
Une centaine de rapports vont être examinés durant la trente-quatrième session ordinaire du Conseil des droits de l’homme. La session du Conseil des droits de l’homme qui s’ouvre ce lundi à Genève pourrait bien acter une redistribution de rôles dans la gestion des affaires du monde. Les diplomates n’excluent pas de voir les débats s’enliser sur des questions clivantes. Sous la présidence Obama, les Etats-Unis ont arbitré et manœuvré pour éviter que des désaccords ne tournent au pugilat.
Donald Trump, lui, n’a pas l’intention d’investir un kopeck dans le multilatéralisme ouaté du Conseil des droits de l’homme. Il y a de très grandes chances pour que Keith Harper, l’ancien ambassadeur américain en charge de ces questions, ne soit même pas remplacé au cours des prochains mois. Le vice-secrétaire d’Etat qui doit venir représenter les Etats-Unis au débat d’ouverture de la session débarque dans une enceinte qui n’a jamais été la tasse de thé des Républicains.
Tous les ingrédients sont réunis pour que le Conseil des droits de l’homme se transforme en bouilloire à moins que les Etats ne préfèrent s’accorder un sursis en s’offrant juste un round d’observation. «Cette session est très importante parce que nous sommes dans un monde qui est en train de changer. Tout est possible, nous n’avons aucune visibilité», résume un diplomate. Mais «il est encore trop tôt pour dire dans quelle direction la politique multilatérale des Etats-Unis va s’orienter», relève Valentin Zellweger, l’ambassadeur suisse à l’ONU à Genève.
Clash possible
Un clash ne peut pas être totalement exclu. Les prétextes ne vont pas manquer. La question israélo-palestinienne va être mise sur la table dès l’ouverture des travaux. Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, est le premier sur la liste des orateurs. La nouvelle ambassadrice d’Israël auprès de l’ONU à Genève, Aviva Raz Shechter, s’attend à passer quelques journées difficiles.
La virulence des échanges a toujours été dosée en fonction du contexte international. Personne ne sait où va être placé le curseur cette fois-ci.
Autre sujet, potentiellement explosif, celui des religions et notamment de l’islam. Il va traverser plusieurs débats. Il sera central. La pression monte autour de la question des royingas, une minorité musulmane opprimée du Myanmar. Plusieurs pays musulmans comptent mettre la pression sur cette question.
Le dossier syrien
La décision de Donald Trump d’interdire l’entrée aux Etats-Unis aux ressortissants de plusieurs pays musulmans contribue évidemment à jeter de l’huile sur le feu et à ébouillanter la thématique de l’islamophobie. Mais, apparemment, pas au point de faire voler en éclats le consensus sur la résolution 1618 qui avait permis de mettre un couvercle sur le débat autour du blasphème et de la diffamation des religions. La représentante du Pakistan, Tehmina Janjua, qui préside le groupe des pays membres de l’Organisation de la conférence islamique, a estimé dernièrement qu’il n’y avait pas de raison d’aller rouvrir ce débat. Mais on le sent bien, tout ne tient plus qu’à un fil.
La présentation du dernier rapport de la Commission d’enquête indépendante sur les crimes commis en Syrie est la goutte d’eau qui pourrait, elle aussi, faire déborder le vase. L’impuissance de l’ONU à trouver une issue au conflit alors que la liste des victimes continue à s’allonger est une plaie ouverte dans le flanc de la diplomatie multilatérale. Les pays qui soutiennent les opposants syriens ne vont pas manquer de rebondir sur la publication du dernier rapport de la Commission d’enquête indépendante pour réclamer à nouveau le départ de Bachar el-Assad. La question de l’impunité va se poser avec encore plus d’acuité que par le passé et provoquer des déchirements. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme est d’ailleurs en train de finaliser la mise en place de la structure qui devra traiter les cas recensés de crimes de guerre pour qu’ils soient jugés. Le télescopage entre l’ouverture d’une session du Conseil des droits de l’homme et les pourparlers intersyriens qui se tiennent en même temps au Palais des Nations devrait, en outre, contribuer à ajouter de la tension.
Le Conseil des droits de l’homme tient sa trente-quatrième session ordinaire du 27 février au 24 mars 2017. Une centaine de rapports vont être examinés.