CSDHI – « J’ai été prisonnière politique, et depuis c’est une identité qui m’habite toute entière. Je m’appelle Fariba Dachti, je suis dentiste en Suède, mère de deux enfants de 11 et 16 ans », explique cette femme d’une grande dignité et dans le visage de laquelle se lit une indicible douleur.
Elle s’exprimait lors d’une conférence des associations iraniennes de toute l’Europe qui s’étaient réunies le 3 septembre à Auvers-sur-Oise, au siège du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI) afin de rejoindre la campagne pour la justice en faveur des victimes du massacre de 30.000 prisonniers politiques de 1988 en Iran. Des personnalités comme le gouverneur américain Ed Rendell, Bernard Kouchner, le juriste Tahar Boumedra et le politicien britannique Struan Stevenson entouraient Maryam Radjavi, la dirigeante de l’opposition iranienne qui a lancé ce mouvement pour la justice.
« En 1982, raconte Fariba Dashti, j’ai été arrêtée pour avoir lu le journal « Modjahed » [de l’Organisation des Moudjahdine du peuple d’Iran (OMPI), l’opposition démocratique aux mollahs]. J’ai été emprisonnée pendant quatre mois. J’ai été libérée sous une caution faramineuse, pour laquelle mon père a dû vendre notre maison, et avec la menace d’être exécutée si on me reprenait. J’ai fui l’Iran et j’ai refait ma vie en Suède.
Durant ces quatre mois en prison, j’ai vécu avec des femmes qui voyait la beauté de la vie et qui voulait la liberté et le bonheur pour tous. Et c’est pour donner à tous la beauté de la vie qu’elles ont sacrifié la leur.
Ferechteh, Nasrine, Leila, Chahnaz, Zahra, Maryam, Simine et les autres, à l’instar du Christ ont porté leur croix pour ouvrir la voie de la liberté.
Qu’avaient-ils en tête ces bourreaux quand ils ont fouetté Chahnaz Davoudi, âgée de 28ans, enceinte et mère de 4 enfants, pour qu’elle dise où se cachait son mari? Et elle sous la torture leur a répondu en criant une sourate du Coran.
Qu’avaient-ils en tête ces bourreaux quand ils ont tellement fouetté les pieds de Zahra Rahmani, une étudiante de 19 ans, qu’ils ont dû l’amputer.
Ou encore Ferecheth Chabani qui était enceinte au moment de son arrestation et qui a perdu son bébé sous la torture.
Chahrzad Hodjati qui a été suspendue par les bras pendant des heures au plafond.
Farzaneh Sabouri, une adolescente de 15 ans, était sympathisante d’une organisation de gauche et ne croyait pas en Dieu. Et ils la fouettaient tous les jours au câble pour qu’elle croie dans leur dieu.
Mina Salehi, Chahnaz Davoudi, Farzaneh Sabouri, Leila Motevassel, Chahrzad Hodjati, Chahla Aboulzadeh, et tant d’autres, cette année-là ou en 1988, sont parties avec 30.000 autres qui ont été pendus.
Un massacre qui cause depuis des dizaines d’années une profonde blessure dans la société iranienne. Ni le temps passé, ni la distance géographique prise avec l’Iran n’ont apaisé la douleur.
Que faut-il faire? Le temps n’est-il pas venu pour que les auteurs de ces crimes soient traduits en justice ? Avec la diffusion de la cassette de M. Montazeri, ce massacre apparait de plus en plus aux yeux du monde. M. Montazeri disait que l’OMPI est une pensée et qu’on ne peut l’éliminer par des tueries. Aujourd’hui on le voit parfaitement.
Ces femmes et ces hommes qui ont porté leurs croix sont partis, mais nous sommes là et nous sentons sur nos épaules le poids pesant de la croix qui était la leur. Oui, il est temps aujourd’hui de faire traduire les criminels en justice. Et en réponse à l’appel de la présidente élue de la Résistance iranienne, Mme Radjavi, nous le ferons.